La Base sous-marine
Photo Georges Rousse
La base sous-marine de Bordeaux est l’une des cinq bases pour sous-marins construites par les Allemands au cours de la seconde guerre mondiale. Les états-majors italien et allemand décidèrent, en juillet 1940, de se servir des installations portuaires de Bordeaux pour établir une base sous-marine mixte. La construction de la nouvelle base, nommée "Betasom", débuta en septembre 1941 et se termina en octobre 1943.
Le bunker en béton de 245m de long sur 162m de profondeur et 20m de haut fut implanté au nord du bassin à flot numéro 2, là où se trouvait le réservoir alimentant le bassin. Des murs de 10m de haut et 6m d’épaisseur furent élevés après le coulage de la dalle de béton formant le socle. Des cornières en acier supportaient un premier toit de tôles ondulées sur lequel fut posée une dalle de béton de 3,5m d'épaisseur, doublée par une deuxième dalle épaisse de 2,10m. Malgré ces améliorations, les Allemands pensaient toujours que la protection du bunker était insuffisante face aux bombardements des avions alliés. Après plusieurs renforcements, l’épaisseur du toit dépassait les 7m.
La base sous-marine possédait 11 alvéoles, chacune mesurant 100 à 115m de long, munies de ponts roulants permettant l’acheminement de munitions et pièces lourdes. Les alvéoles 5 à 11 étaient équipées de stations de pompage attenantes. Cette forteresse blindée pouvait accueillir jusqu'à quinze sous-marins. Pour éviter tous risques d’accidents et par mesure de prévention, les torpilles et carburant étaient stockés dans d’autres bunkers situés à proximités de la base. Une voie ferrée fut posée sur toute la longueur du bunker pour faire le lien entre la base et les dépôts de ravitaillement. Une zone technique à plusieurs étages regroupait les dépôts, ateliers de réparations, groupes électrogènes, bureaux et service incendie.
Quasi indestructible, ce bunker est aujourd'hui un espace de diffusion atypique dédié à la culture accueillant expositions, concerts, spectacles de théâtre et de danse.
Le bombardement du 17 mai 1943
Dans son édition du 18 mai 1943, le quotidien aux ordres de l'occupant, “La Petite Gironde”, débutait ainsi son récit des évènements : "Ce lundi, dans le ciel de mai idéalement bleu, apparurent, vers midi quarante, volant à une hauteur vertigineuse, des avions minuscules et scintillants, étroitement encadrés par les flocons blancs de la DCA. En deux vagues successives, à quelques minutes d'intervalle, ils égrenèrent en arpèges leurs chapelets de bombes."
Contrastant avec ce descriptif printanier, en bas c'est l'enfer. La plupart des habitants s'apprêtent à déjeuner ou sont déjà à table, chez eux ou dans les cantines, sur leur lieu de travail, à la SNCASO, au Port Autonome, à la Régie du Gaz, aux aciéries de Longwy. Une première vague va déferler au nord des bassins à flot touchant nombre de maisons du boulevard Brandenburg, de la rue Blanqui, jusqu'à la rue de New York et aux écluses du bassin numéro 1. La deuxième vague de bombes atteint le sud, particulièrement le cours Balguerie, la rue de la Faiencerie, plus loin encore, rue Dupaty, place Saint-Martial, jusqu'au cours du Médoc et à la rue Poyenne.
195 morts, 272 blessés, parmi les Français, tel serait le bilan définitif de sept minutes de bombardement. On excepte le nombre des victimes allemandes et italiennes, important semble-t-il, puisque l'école des garçons de la rue Dupaty, transformée en hôpital par les Allemands, fut totalement détruite.
Pour le pilote d'un des bombardiers américains, l'opération est un succès complet : "Ce fut un bombardement exemplaire de précision. Je n'avais jamais espéré un tel résultat. L'écluse du bassin numéro 1 s'écroula. Les portes du bassin à flot, qui gardait un niveau constant, avaient été touchées et un courant colossal jaillit dans la Garonne. C'était extraordinaire, beautiful."
Etonnant et douloureux témoignage pour tous ceux qui se souviennent, Les alliés ont vidé les bassins, ils ont mis à mal plusieurs sous-marins, ils ont, à ce moment du conflit, atteint psychologiquement l'occupant, qui venait à peine d'installer ses sous-marins dans les premiers boxes opérationnels de la base, mais au prix de la douleur et du souvenir intolérable à jamais de dizaines de familles de Bacalan. A l'issue de cette journée, de nombreux habitants; démunis, sans abri, craignant de nouvelles attaques, abandonneront leur quartier en ruines pour rejoindre des lieux moins exposés où ils vivront jusqu'à la Libération.